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Le pressage de disques vinyles – Interview d’Antoine, co-fondateur de M Com’ Musique

Antoine, co-founder of M Com' Musique

Il y a quelques semaines, nous avons eu la chance d’aller visiter l’usine de M Com’ Musique, une entreprise bretonne spécialisée dans le pressage de disques vinyles. Nous avons profité de cette occasion pour réaliser une interview d’Antoine, l’un des co-fondateurs de M Com’ Musique.

Logo M Com' Musique

 

– Avez-vous toujours travaillé dans le monde de la musique ?

Depuis plusieurs années oui ! Ça a commencé lorsque je travaillais à Paris, dans un magasin de Beaux-arts dans lequel il y avait un régisseur/manager et un proche de Mano Solo à l’époque. Ils m’ont pris un peu sous leur aile en m’emmenant partout, dans tous les concerts, rencontrer tout le monde. J’ai pu rencontrer des groupes que j’écoutais, j’avais les yeux qui brillaient ! C’est là que je me suis dit : « Je vais travailler dans la musique ».

J’ai ensuite monté une association à Rennes avec laquelle on organisait des concerts. C’est donc l’expérience qui m’a amené vers la musique.

 

– Comment vous est venue l’idée de monter votre entreprise de pressage de disques vinyles ?

Quand j’ai monté l’asso’, je travaillais le soir et le week-end dans une entreprise de dépannage automobile, et c’est là que j’ai rencontré Mickael (ndlr : associé d’Antoine et co-fondateur de M Com’ Musique).

 

Mickael, co-fondateur de M Com' Musique
Mickael, co-fondateur de M Com’ Musique

Lui il avait de son côté une association où il manageait une sportive de moto-cross. Son truc c’est la mécanique, les voitures, etc. On a donc échangé et puis on se rendait compte tous les deux qu’on avait une envie d’entreprendre. On s’est lancé et comme j’avais un réseau dans la musique, on s’est dit qu’on allait essayer d’aller dans ce secteur d’activité.

Je suis donc allé demander au label Beast Records à Rennes s’il n’avait pas un besoin. Il avait justement un besoin de promotion donc on a commencé à faire des relations presses ensemble. On a ensuite mis en place un réseau de distribution. C’est donc en travaillant avec Beast Records et avec les acheteurs dans les grandes surfaces, en discutant avec tout le monde quoi, qu’on a vu qu’il y avait un retour sur le vinyle. On s’est dit : « Allons-y, fabriquons-les ».

 

– Comment avez-vous pu concrétiser votre projet et ainsi créer M Com’ Musique ? Par quelles grandes étapes êtes-vous passés ?

On a eu l’idée en Avril 2014, en Novembre 2014 on arrivait dans nos locaux actuels et on avait immatriculé la société. Tout est allé très vite, on avait fait un prévisionnel sans avoir vraiment d’expérience dans la création ou la technique. La production industrielle nous était totalement inconnue.

En plus à l’époque, les différentes machines pour fabriquer des disques vinyles n’existaient pas, il n’y avait plus rien pour le vinyle ! On a quand même réussi à retrouver en Hollande nos premiers moules et les premières machines typiques pour le disque vinyle. Par contre pour la presse, on a été obligé de la fabriquer nous-même en achetant notamment un vérin et un châssis.
Au début on fabriquait 40 disques par heure, pour arriver 3 ans après à 80-90 disques par heure avec la machine qu’on a construite. Elle est d’ailleurs toujours en service, sauf qu’aujourd’hui on a notre nouvelle ligne automatique (ndlr : cette nouvelle ligne automatique permet de presser jusqu’à 150 vinyles par heure).

 

Machine manuelle de pressage de vinyles - M Com' Musique
Machine manuelle de pressage de vinyles – M Com’ Musique

On a tenu à peu près 2 ans et demi / 3 ans avec la presse fabriquée et tout ce qu’on avait acheté d’occasion. Et puis tout a commencé à tomber en panne petit à petit… À ce moment-là on s’est posé la question de continuer ou pas, parce qu’on n’avait pas trop d’argent. On a donc décidé de lever des fonds, c’était début 2017. Grâce à cela, on a pu installer notre nouvelle machine à presser les vinyles il y a quelques semaines ! 🙂

 

– Est-ce que le fait d’avoir une machine manuelle vous a permis de mieux comprendre le processus de fabrication d’un disque vinyle ?

Absolument. D’une part, comme on a fabriqué la machine, on a dû vraiment s’intéresser aux différentes implications sur le disque pour tous les changements à opérer sur la presse.

Et en plus, on a dû apprendre le métier ! Il n’y a pas d’école pour fabriquer des disques vinyles : nettoyer ses moules, repérer visuellement quand il y a un défaut sur le disque, savoir pourquoi un disque peut être déformé, etc. Tout ça il faut l’apprendre et le comprendre. De plus, comme le vinyle avait disparu, on n’avait personne pour nous apprendre tout ça, il a fallu apprendre sur le tas et se débrouiller pour réussir à sortir un disque vinyle de bonne qualité. On a ensuite amélioré la qualité de nos pressages vinyles pendant plus de 2 ans et demi.

 

– Quelles sont les forces de votre société M Com’ Musique ?

Alors la première, c’est justement le fait d’avoir fabriqué nous-même notre machine à presser les disques vinyles. On connait vraiment le process technique de A à Z !

Aujourd’hui, on a en plus investi dans du matériel qui est à la pointe de la technologie, que ce soit pour la régulation du froid, pour la presse en elle-même, pour le traitement des déchets des matières premières, etc.

On a aussi une approche sonore qui est différente des autres usines. Cela veut dire qu’on est capable, à partir du fichier sonore fourni par les clients, de dire comment va sonner le vinyle avant même qu’on l’ait fabriqué. On renvoie alors un commentaire au client en mentionnant les améliorations qui peuvent être apportées au fichier sonore.

On écoute et on analyse techniquement le fichier, on fait ce qu’on appelle un audit mastering. On propose quasiment systématiquement ce service à nos clients.

On s’est en fait aperçu que 70 à 80% des masters qu’on recevait n’étaient pas faits pour le vinyle, et les clients se plaignaient forcément que leur disque sonnait mal… Du coup on a pris le problème à l’envers en écoutant le son des clients et en donnant en amont des conseils pour améliorer. Aujourd’hui, on a presque plus de SAV sur ce genre de chose.

 

– Pouvez-vous nous expliquer le processus de pressage d’un disque vinyle ?

Pour fabriquer un disque vinyle, il y a plusieurs étapes principales, après avoir enregistré et masterisé le disque bien évidemment.

1- Pressage d’un disque vinyle – Cutting
La première, c’est l’étape du cutting. La musique va être gravée sur une laque, une plaque d’aluminium recouverte d’un vernis. Il y a une laque par face de disque qui est gravé. C’est fait dans un studio avec une machine qui ressemble à une platine vinyle, sauf que c’est l’inverse. En effet, au lieu que l’aiguille vibre en suivant le sillon, l’aiguille va vibrer pour creuser le sillon.

2- Pressage d’un disque vinyle – Galvanisation
Une fois cette étape réalisée, la laque va être envoyée en Italie pour être galvanisée. Le processus de galvanisation, c’est la laque qui va être plongée dans un bain chimique. Dans celui-ci se trouvent des particules de nickel et par électrolyse, les particules de nickel vont venir se déposer sur la laque précédemment gravée. Au bout de plusieurs dizaines de minutes, on démoule et on obtient un négatif qui fait 250 microns d’épaisseur. Ce négatif-là, on va l’insérer dans notre outil de production, qui va nous servir à presser les disques vinyles.

Aussi, quand on reçoit les matrices fabriquées en Italie, on doit les adapter à notre outil de production. On va précisément les centrer et les découper. On va donc les préformer, c’est-à-dire leur donner une préforme de vinyle inversé.

3- Pressage d’un disque vinyle – Pressage et mise en pochette
Puis, une fois que les disques vinyles sont pressés, on va les mettre à refroidir pendant environ 12 heures. On va ensuite mettre en pochette ceux qu’on a pressés la veille et cellophaner les pochettes directement pour ne pas perdre de temps.
Le marché du vinyle est en effet très tendu, il y a plus de demande que d’offre. Il y a aussi des problèmes de délais donc le but est de servir le client le plus rapidement possible. Notre objectif est de servir en 3-4 semaines nos clients. On est aujourd’hui encore sur du 7-8 semaines.

 

Cellophanage des pochettes - M Com' Musique
Cellophanage des pochettes – M Com’ Musique

 

– Quelques chiffres à nous donner sur le nombre de pressages réalisé ?

Je peux en tout cas vous dire que la moyenne des séries qu’on sort augmente. La première année on était sur des séries d’en moyenne 100 exemplaires. L’année dernière, on devait plutôt être sur du 200-300. Et cette année, on est sur du 500-1000 exemplaires. Aussi, les demandes sont sur des séries de plus en plus élevées. Ce qui est plutôt bon signe pour le marché !

 

– D’où vient votre clientèle ? Plutôt bretonne ou d’ailleurs ?

On a des clients de cœur qui sont en Bretagne, qui nous suivent depuis le début. Je pense par exemple à Beast Records ou bien à Enragé Production. Il y a également quelques groupes dans le coin avec qui on travaille régulièrement.

Nos clients sont Français, on a aussi bossé un peu avec le Canada, la Grèce et l’Angleterre. Mais cette année la moitié de notre production va partir en Allemagne, pour un seul client ! Puisqu’on fabrique maintenant beaucoup plus, on va changer de typologie de clients. On peut maintenant prendre des clients qu’on ne pouvait pas prendre avant.

 

Disques vinyles pressés - M Com' Musique

 

– Quels sont vos objectifs pour les mois ou années à venir ?

L’objectif est d’internaliser des choses que l’on sous-traite actuellement, comme par exemple la galvanisation.

On aimerait également fabriquer au moins 200 000 disques vinyles cette année. Jusqu’à présent, le maximum qu’on ait fait c’est 50 000. Donc c’est un sacré challenge ! Mais avec notre nouvelle machine de pressage automatique, nous ne sommes déjà pas loin de ce chiffre.

 

– Etes-vous vous-mêmes équipés d’une platine vinyle ? Si oui, quel modèle ?

Alors oui, j’ai une platine vinyle Rega Planar 1. Après j’ai très peu de vinyles parce qu’à la base je n’étais pas un fan de musique enregistrée, que ce soit vinyle comme CD. Moi ce que j’aimais c’était le concert. J’ai donc découvert le disque vinyle en le fabriquant !

Dans nos locaux, on a également une platine vinyle Pro-Ject Debut Carbon Esprit SB avec un préampli phono et un casque audio. Cela nous permet d’écouter ce qu’on va produire, au moment du calage de la machine et donc avant de lancer la série de production, pour voir ce que cela donne.

Cela nous permet également ensuite de tester quelques disques vinyles pris au hasard dans la série. On va surtout avoir une écoute technique, en écoutant par exemple les blancs qu’il y a entre les morceaux car c’est cela qui va nous dire s’il y a du souffle ou des craquements.

On fait donc des écoutes sur cette platine vinyle Pro-Ject, qu’on a branché sur un home-cinéma. Etant donné que tout le monde n’a pas forcément de la Hi-Fi de haute qualité, cela permet de voir comment le disque vinyle va sonner chez tous les clients. Si ça sonne sur un petit système comme celui-ci, ça sonnera partout !

 

– Merci Antoine 🙂

 

Retrouvez également en vidéo notre visite des locaux de M Com’ Musique :