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Le blog maPlatine.com

Interview de Sébastien, créateur de Beast Records

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Le label Beast Record est un partenaire de longue date de maPlatine.com. Sébastien Blanchais, créateur du label Beast Records et propriétaire du magasin de disques Rockin’Bones à Rennes, a eu la gentillesse de nous accorder un peu de son temps afin de répondre à une interview.

Label de musique Beast Records

Le parcours de Sébastien dans la musique

La création du label Beast Records

Beast Records et le festival Binic

Le magasin Rockin’Bones – Rennes

Le parcours de Sébastien dans la musique

– D’où te vient cette passion pour la musique ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=17s)

Je pense que d’être né en 1969, ça aide. Quand t’avais « High Way to Hell » qui était premier dans tous les hits parade en France, tu es obligé. Cette génération-là a baigné dans le rock’n’roll.

– Quand as-tu su que tu ferais de la musique ton métier ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=32s)

C’est hyper compliqué… Dans le sens que quand tu es un doux rêveur, quand tu as 16 ans et que tu es persuadé que tu vas en faire ton métier. Mais la réalité est bien autre, et en fait tu poursuis à travers autre chose. J’ai commencé en tant que musicien pendant 10 ans en vivotant. Et après, l’idée était de ne pas quitter définitivement la musique, donc de devenir disquaire, faire un label, etc., l’organisation de concerts. Quand tu aimes vraiment ça, tu ne peux pas quitter un univers comme ça.

– Quel a été cet élément marquant de tes 16 ans ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=1m06s)

J’ai vu un groupe qui s’appelait Reptile At Down, c’était un groupe néo-zélandais, un truc assez violent dans l’esprit Stooges. Et dès que je les ai vus, je savais qu’il fallait que je monte sur scène et que je ne fasse pas la même chose, mais qu’il fallait que je fasse du rock.

– Peux-tu nous parler un peu de ton parcours dans la musique ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=1m24s)

Le parcours de la musique, c’est un premier groupe qui s’appelle Witcherry Wild, rencontre de lycéens et puis voilà, ça a duré une dizaine d’années. Après, Born In Flames avec quelque chose d’un peu plus punk/rock, on est parti aux États-Unis pour enregistrer. Ça a duré quelques années aussi et là, à l’heure actuelle, on poursuit l’aventure avec des membres qui étaient là dès le début. Ça s’appelle Head On.

La création du label Beast Records

– Depuis quand existe le label Beast Records ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=4m42s)

2003. Mais ça a vraiment démarré je dirais en 2005. On a démarré par une autoprod’. Et ouais, c’est en 2005 que ça s’est accéléré. On a eu un groupe qui s’appelle SixFtHick. Par amitié ils m’ont donné le droit de faire pour l’Europe leur disque, et le disque on l’a vendu en 8 jours. Donc ça faisait une somme d’argent qui arrivant très très rapidement. Mais faut dire que SixFtHick c’était le gros truc, ils sont arrivés avec les doubles camions pour les filmer sur leur tournée. C’est ABC, qui est le Canal + français, qui les ont suivis partout. C’est un groupe exceptionnel, j’espère qu’ils reviendront un jour en Europe.

– Quand as-tu eu l’idée de créer le label Beast Records ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=1m51s)

Et bien tout simplement à l’époque de Born In Flames, on cherchait un label et moi je trouve ça très difficile de se vendre. Je trouvais ça plus simple de s’autoproduire… donc le label. Et après j’ai eu des australiens qui m’ont directement demandé, qui s’appelait Outside. Orville Brody m’a demandé, c’était des potes en fait. Les disques se sont bien vendus. De fil en aiguille, j’ai organisé un concert au Mondo Bizarro d’un groupe qui s’appelait Digger & The Pussycats. Ça ne paraît pas grand-chose comme ça mais c’était déjà un bon duo qui existe là-bas. Ils m’ont donné énormément de crédibilité auprès des australiens. Et donc j’ai eu « masse » de groupes australiens, et tous les meilleurs…

– Peux-tu nous parler plus en détail de la philosophie du label ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=2m33s)

La philosophie du label c’est simple : je l’ai créé pour l’aide à des groupes français. Souvent des musiciens peuvent être très doués, mais ils ont les deux pieds souvent dans le même sabot. L’idée c’était de faire un premier disque pour les groupes français. Et pour l’Australie, il y a un métier qui s’appelait agent de presse, ça n’existe plus. Le boulot de manager n’est plus fait pour les groupes de moyenne importance. Il n’y a plus de pont entre l’Australie et l’Europe. Moi j’essaye de leur créer un réseau pour qu’eux puissent rebondir sur des structures plus importantes que la mienne.

– Pourquoi avoir choisi le nom « Beast Records » ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=3m11s)

A cause toujours d’un groupe australien – vraiment beaucoup d’affinités avec la scène australienne – un groupe qui s’appelle Beasts Of Bourbon. C’était un des groupes les plus culottés avec les Cramps et Gun Club, qui ont démocratisé ce qu’on appelait la country, le blues, avec une énergie punk : un mouvement qui s’appelait le « swamp rock ». Et je trouvais que c’était tous les ingrédients de la musique que j’aime quand j’étais plus jeune. C’était vraiment de la musique que j’écoutais, beaucoup de blues, beaucoup de country… Enfin dans la country musique c’est vaste, il y a énormément de merde aussi, mais il y a des choses qui sont magnifiques. Voilà, c’est vraiment le groupe que j’aime pour avoir eu le culot de faire ça, et pour moi c’est le groupe le plus doué. Le fait a voulu que le guitariste, Spencer P. Jones se retrouve sur le label pour un CD.

– Combien d’artistes sont rattachés à Beast Records ? D’où viennent-ils ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=4m05s)

On doit être arrivé à 150 artistes et on a du faire 200 prod’, un truc comme ça. Il y a une majorité de groupes français, avec la scène garage rennaise qui est bien représentée… il faut dire qu’elle est très active en ce moment. Il y a beaucoup d’australiens, des américains qui représentent tout ce que j’aime, la Nouvelle-Orléans avec Chicken Snake. On a aussi des italiens, les Movie Star Junkies, Blues Against Youth… On a aussi des allemands avec les Cellophane Suckers. Je crois que c’est à peu près tout…

– Combien de groupes rejoignent le label chaque année ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=5m26s)

C’est aléatoire, mais il y a malgré tout une espèce de régularité. On sort, à peu près, entre 20 et 25 groupes par an.

– Est-ce que le logo de Beast Records a une signification particulière ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=5m42s)

Non… C’est un pote à moi, designer sur Brest, Tibou, qui est très fort pour les logos. Il bosse pour les logos commerciaux. Je l’ai trouvé hyper efficace : très simple et très efficace. C’est vrai que beaucoup de gens aiment porter le logo à travers sac, tee-shirt, casquette, enfin le merch’ qu’on propose à travers le label. Je ne lui avais donné aucune contrainte, aucune idée. Ce n’était pas spécialement une tête de mort que je voulais, mais il m’a montré ça et j’ai dit parfait, ça marchera. Et ça a marché.

– Peux-tu nous citer quelques groupes avec lesquels tu es fier d’avoir travaillé ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=6m13s)

Ouais… Ron Peno qui est le chanteur des Died Pretty, c’est juste hallucinant. Moi je l’ai vu il y a 20 ans à l’Ubu, il sortait de l’hôpital psychiatrique, il avait fait un concert à pleurer, aussi beau que violent. De l’avoir sur le label, ça me paraît assez improbable. Après, les SixFtHick certainement parce que la gentillesse et le talent de ces gens-là sont inégalables. En fait, là-dedans, il y a deux frères qui s’appellent les frères Corbett. J’ai sorti aussi un disque qui s’appelle Shifting Sands avec l’un des chanteurs, et l’autre chanteur The Gentle Bens. Et tout ce qui se rattache à ses deux personnages là, c’est à chaque fois magnifique.

– Quels sont tes meilleurs souvenirs en tant que gérant d’un label de musique ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=6m54s)

C’est toujours une excitation quand tu reçois, quand t’ouvres un vinyle, quand tu vois la pochette, le rendu, tout ça. Après le processus, je ne vais pas dire pénible, mais tu commences par recevoir une master, après bien regarder la pochette. Romain qui travaille avec moi vérifie les gabarits. Après ça il faut envoyer ça à un graveur, il faut que le graveur fasse bien le boulot… D’abord en mastering, après ça le graveur… Après ça part à l’usine. C’est plus de la tension qu’autre chose. C’est une petite libération quand tu reçois le truc et que tu vois que ça sonne comme tu l’espérais. Il y a des fois où il y a des problèmes aussi. Mais la plus grosse excitation c’est sans doute à travers des concerts, où tu es hyper fier d’avoir ces gens-là sur ton label. Je pense aux Release party qu’on a pu faire à l’Ubu, au festival de Binic qui est  pour moi la plus belle des vitrines qu’on peut me proposer. Ils me prennent 15 groupes chaque année, et ça permet d’avoir un vrai public qui n’est pas sourd généralement et qui sait reconnaître le talent à travers les groupes qu’on propose.

Beast Records et le festival Binic

– Cette année a eu lieu la 8ème édition du Festival de Binic, quel rôle joue Beast Records au sein du Binic Folk Blues Festival ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=8m01s)

Pourvoir, on va dire, 40% de la programmation. Avec Ludo, on avait parlé de ça en rigolant au départ, c’était un festival qui était vraiment une petite scène, un peu de déco. Moi j’avais des potes australiens qui trainaient dans le bourg on va dire, c’était l’occasion de leur mettre une guitare entre les mains, de montrer leur talent. Après c’était rigolo, il y a avait de la déambulation, mais ça cassait plus la tête aux restaurateurs qu’autre chose donc ça s’est arrêté très vite. Dès la troisième année, Ludo s’est mis à travailler avec Buzz, un mec que je lui ai présenté qui tient un U-Touring et qui fait beaucoup de choses très intéressantes. C’est lui qui a eu les Thee Oh Sees, Ty Segall, The Monsters, et le festival a décollé dès la troisième année et là c’était vraiment autre chose. Et après Ludo m’a toujours fait confiance, et les gens de la Nef (ndlr : D Fous) aussi pour placer à peu près 10 à 15 groupes chaque année.

– D’où viennent les autres groupes présents lors de ce festival ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=8m54s)

C’est Buzz, avec une société qui s’appelle U-Touring. Il y a aussi des groupes qui viennent d’ailleurs mais c’est vraiment à 95%. Ça permet que quand tu as une confiance établie entre une équipe qui est réduite, tu avances beaucoup plus vite pour travailler dans le milieu associatif. On est que trois, alors quand je vois les asso’ qui ont des labels comme le nôtre, qui sont entre 15 et 20 : il y a des gens qui bossent sur la promo, le reste… Mais moi je n’ai pas envie de passer ma journée au téléphone et je n’ai pas de patience. Donc à trois, ça suffit largement.

Le magasin Rockin’Bones – Rennes

– Quelle part des ventes représente le vinyle dans ton magasin Rockin’Bones ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=9m29s)

Le vinyle correspond en termes de ventes à 95%. Il me reste des CD mais c’est très rare que j’en vende. Aujourd’hui c’est une exception, j’ai dû vendre 5 CD mais il se passe des fois des semaines, voire des mois, sans que je ne vende un CD. C’est vraiment la fin du CD. En plus, sur ce que je propose, c’est-à-dire de la musique indépendante, les gens aiment vraiment avoir du vinyle. C’est généralement des gens qui connaissent la musique. Un vinyle c’est cher, mais au moins il reste vraiment quelque chose. On peut se graver un CD assez facilement, même le laquer sur le dessus, faire une espèce d’ersatz de CD. Moi je suis pour tous les formats, même si je n’ai jamais eu de platine CD chez moi parce que ce n’est pas ma génération. J’ai grandi avec le vinyle, je resterai et je mourrai avec le vinyle.

– As-tu observé une hausse des ventes de vinyles ces dernières années ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=10m15s)

Une grosse hausse des ventes. C’est dû au « revival vinyl », tout le monde en revient. Et à Rennes, on est dans un contexte particulier où il y a énormément de très bons groupes. Donc il y a une activité et une jeunesse qui est vraiment présente, ça permet aussi de leur donner envie de découvrir autre chose à travers des labels tels que le mien ou autre. Je dirais que tous les âges sont représentés : tu as beaucoup de 15-25 ans mais tu as aussi des gens qui se remettent au vinyle à 60 ans, ce qui est assez curieux. Des gens qui sont passés au CD pendant 20 ans et qui ont envie de revenir au vinyle.

– As-tu des disques à nous recommander parmi tes dernières découvertes ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=11m04s)

Il y a un truc qui m’éclate, qui s’appelle Ooga Boogas. C’est australien aussi, c’est sorti en 2013 mais je viens juste de le découvrir parce que je viens de découvrir un label qui s’appelle AARGHT ! (ndlr : Records). Là-dessus il y a les Ausmuteants qui étaient présent au festival de Binic. C’est une espèce de synth/punk qui cartonne à travers le monde en ce moment, et en regardant dans le label, je me suis dit « tiens je vais essayer » […] Il y a un label que j’adore qui s’appelle Fat Possum, un énorme label aux Etats-Unis, et ils viennent de rééditer ce qui était en CD, ils l’ont mis en vinyle. Des artistes comme Paul ‘Wine’ Jones, c’était des bluesmen qui, généralement, sont arrivés à 75 ans à faire leur premier album. Ce sont des parcours de vie incroyables. Il y a Leo Welch que j’adore, un mec qui fait son premier disque à 81 ans, il a été bucheron toute sa vie. Après … de ses propres paluches, il traverse les Etats-Unis en ce moment pour faire des concerts. Ce n’est pas que le parcours de vie qui est un peu romantique, c’est leur vie qui est une vraie vie de blues. Et tous les bluesmen qui viennent de ce label Fat Possum, je suis fan et je suis en train d’en découvrir pas mal.

– Comment arrives-tu à t’organiser pour gérer toutes tes activités ?

(https://www.youtube.com/watch?v=_N0qCGAn8TE&t=12m21s)

J’ai pris 10 ans =). C’est crescendo : plus tu as d’artistes sur ton label, plus tu es sollicité, plus ils vont te proposer d’autres groupes. Avant j’avais la délicatesse de répondre à tous les mails, maintenant je ne le fais plus. Quand tu arrives à 30 ou 40 mails et que tu expliques à quelqu’un que ce n’est pas trop la politique du label de faire ce genre de musique, mais que le mec ne veut pas comprendre et qu’il te dit « bon sang, ce n’est pas possible, on fait de la super musique, il faudrait vraiment que tu nous produises »… Tu renvoies le troisième mail et que ça va durer pendant perpet’ avant de se fâcher, je ne réponds plus. Parce qu’il n’y a pas le temps, si faudrait vraiment répondre à toutes les sollicitations… Romain le fait pour quelques-uns, quand c’est des amis d’amis. Mais sinon ça devient trop compliqué à gérer. Par contre, je fais toujours l’effort d’écouter ce qu’on m’envoie.