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Interview de Rozenn, directrice de l’Opéra de Rennes

Rozenn Chambard

Nous vous l’annoncions il y a quelques mois, maPlatine.com est un partenaire officiel de l’Opéra de Rennes, lieu incontournable de la capitale bretonne ! Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer Rozenn, la directrice de l’Opéra de Rennes. Elle a eu la gentillesse de répondre à quelques questions.

 

– Vous avez pris la direction par intérim de l’Opéra de Rennes au début de l’année 2018. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours au sein de l’Opéra de Rennes ?

Je suis arrivée à l’Opéra de Rennes en 1996 comme Chargée de relations publiques et de communication. Ce poste n’existait pas à l’époque et tout était à construire, notamment la conquête d’un public lyrique à Rennes car l’opéra en tant que tel n’existait que depuis 3 ans. Le premier projet que j’ai initié fut la création du service « pédagogique » visant à ouvrir l’opéra aux scolaires, service qui s’est élargi au fil du temps en touchant des publics de plus en plus diversifiés.

Mes missions ont également évolué au fil des saisons car j’ai été successivement responsable du développement, puis secrétaire générale, poste transversal qui permet de coordonner l’ensemble des missions de communication et de développement des publics, avec une dimension numérique et innovante très importantes à Rennes.

Depuis le début de l’année, j’ai effectivement pris la direction de l’Opéra de Rennes par intérim. Une étude sur un rapprochement entre l’Opéra de Rennes et Angers-Nantes Opéra était encore en cours, sachant que l’ancien directeur de Rennes a été nommé au 1er Janvier 2018 directeur à Nantes. La ville de Rennes souhaitait valider les modalités de ce rapprochement avant de nommer un nouveau directeur à Rennes. Il a été acté depuis, que la coopération entre les trois maisons s’appuiera sur une mutualisation de la production et de la diffusion lyriques. Nous attendons aujourd’hui la nomination du nouveau directeur(rice) de l’Opéra de Rennes (ndlr : depuis la réalisation de cette interview, Matthieu Rietzler a été nommé nouveau directeur de l’Opéra de Rennes et prendra ses fonctions à partir de la saison 2018/2019).

 

– Avez-vous toujours voulu travailler dans le domaine culturel et musical ?

Dès mon cursus en sciences politiques, le domaine culturel m’attirait. J’ai pu réaliser tous mes stages et travaux de recherche dans ce domaine. J’ai eu la chance de trouver un premier poste dans un opéra à Compiègne, ce qui a fortement influencé la suite de mon parcours exclusivement lyrique pour le moment.

 

– L’Opéra de Rennes est très attaché à l’innovation et aux nouvelles technologies. Quelles sont celles qui vous ont le plus marquée ?

Parmi les réalisations les plus remarquables, on peut citer le projet que nous avions monté avec Orange en 2009 : Don Giovanni capté et rediffusé en 3D et en direct. C’était une première mondiale, et cet évènement a véritablement été un déclencheur et nous a permis de nous positionner comme un opéra à la pointe des innovations.

En 2011, nous avons mis en place un dispositif expérimental qui a marqué les esprits. Il s’agissait d’une saison d’opéras diffusés dans les mondes virtuels via une maquette 3D de l’Opéra. Des spectateurs « avatars » venus du monde entier pouvaient s’inscrire, suivre les rediffusions et échanger leurs impressions en direct. La communication autour de cet « opéra bis » fut rendu possible grâce à une campagne trans-médias sur les réseaux sociaux, une autre première à cette époque pour une institution lyrique. Ceci nous a permis, dès 2011, de construire une identité numérique très puissante.

Une autre innovation marquante, selon moi, fut la visite virtuelle de l’Opéra de Rennes, développée par Artefacto. C’est un formidable outil de médiation numérique disponible en libre-service à la billetterie. Cette visite permet au public de découvrir l’Opéra en 360° et en quelques minutes. L’application est téléchargeable sur notre site internet.

Visite virtuelle de l'Opéra de Rennes - Demo Artefacto

 

– Qu’est-ce que ces nouvelles technologies apportent à l’Opéra de Rennes ?

Cela nous apporte une image innovante, image rarement associée au monde de l’Opéra. Nous sommes désormais reconnus au niveau national, voire international pour notre créativité. Cela apporte à l’Opéra et à la ville de Rennes un réel rayonnement. Mais cela nous ouvre surtout à un nouveau public, peut-être plus jeune, qui découvre l’Opéra par le prisme des projets numériques. C’est un public curieux qui va être attiré par nos propositions dématérialisées mais qui peut avoir envie de pousser les portes de l’Opéra : c’est un prolongement de notre travail de médiation. L’innovation apporte un nouveau regard sur l’opéra.

Nos innovations ont également fortement influencé notre manière de communiquer via les réseaux sociaux. Ces derniers nous permettent de placer les communautés au cœur du processus créatif. Nous postons régulièrement des vidéos sur les répétitions, des interviews, des photos, des informations sur des ateliers, des rencontres, des jeux… J’évoquais précédemment notre identité numérique qui nous classe parmi les premiers Opéras en région en termes de présence sur les réseaux sociaux. Nous ne sommes pas très loin de l’Opéra de Paris en nombre de followers et nous en sommes assez fiers ! Nous avons été le tweet le plus relayé en France le jour de la diffusion de Carmen sur écran(s) en juin dernier.

 

– Au début d’année, l’Opéra de Rennes s’est d’ailleurs rendu au CES de Las Vegas, le plus grand salon au monde dédié aux nouvelles technologies. Comment avez-vous vécu cet événement ?

Nous avons été invités par la société ESI Group avec laquelle nous avons développé un opéra immersif en 3D. Ils vont très régulièrement au CES pour présenter leurs dernières innovations. Nous étions bien évidemment très heureux de les accompagner et de nous retrouver parmi les plus grands de l’innovation. Nous étions le seul organisme culturel et nous étions très fiers de représenter la belle dynamique du territoire rennais.

 

– Il y a presque un an jour pour jour, vous diffusiez un opéra en plein air, « Carmen sur écran(s) ». Pouvez-vous nous dire si une prochaine édition est en préparation ? De nouveaux projets dans les mois à venir ?

Oui bien sûr, nous organisons cette multidiffusion tous les deux ans et il y aura un nouveau projet à Rennes en 2019. Le fait que nous nous rapprochions d’Angers-Nantes Opéra signifie que l’évènement va s’étendre en région Pays de la Loire.

Nous travaillons également sur un jeu éducatif en ce moment. Les envies sont toujours assez là. Il faut « simplement » pouvoir les faire aboutir et trouver des partenaires pour nous accompagner. Jusqu’à présent, nous avons pu travailler en mode collaboratif avec de nombreux acteurs du territoire et je pense que cette dynamique va perdurer.

 

– Pouvez-vous rapidement nous expliquer comment l’Opéra de Rennes constitue sa programmation ?

Dans le monde de l’Opéra, il faut savoir que la programmation est finalisée deux ans avant la saison car les plannings des metteurs en scène et des chanteurs sont très chargés. Par ailleurs, de nombreux spectacles sont montés en co-productions avec d’autres opéras ce qui implique une coordination de longue haleine entre les objectifs et moyens des uns et des autres.

Par ailleurs, Il faut toujours que la programmation soit le reflet de l’ensemble de l’histoire de l’Opéra et trouver un équilibre entre les titres connus et moins connus du répertoire, entre les époques, les langues, les styles. Il faut pouvoir laisser une place à la création avec l’envie d’amener le public vers du contemporain ou des propositions vers lesquelles il n’irait pas forcément. Avec le souci constant de proposer une programmation de qualité, faisant place à l’imaginaire, avec une place laissée au spectaculaire, ce qui est la marque de fabrique de l’Opéra. C’est vraiment un mélange de tout cela qui fait la programmation d’une saison lyrique.

 

Opéra de Rennes

Le fil conducteur qui nous motive reste le souci d’ouvrir l’Opéra au plus grand nombre et de casser les clichés. L’Opéra doit être accessible à tous (abonnés, spectateurs occasionnels, nouveaux publics…) ; il n’est pas nécessaire d’être mélomane pour recevoir un choc émotionnel et esthétique. C’est exceptionnel qu’un spectateur reste indifférent. Et pour aller plus loin dans le plaisir et la découverte, il est essentiel d’ouvrir l’opéra, de faire découvrir ses métiers, ses savoir-faire et bien évidemment ses répertoires.

 

– Quel est votre opéra favori ?

Orphée et Eurydice de Gluck. C’est une musique absolument lumineuse, avec des airs qui me transportent littéralement. Le livret est extrêmement bien construit, avec une tragédie pure qui tient en haleine. C’est un ouvrage que j’ai plaisir à écouter et réécouter, je ne m’en lasse pas. S’il fallait que j’apporte un disque sur une île déserte, ce serait celui-ci !

 

– Êtes-vous une adepte de vinyles ? 🙂

Absolument, nous avons toujours eu des disques vinyles à la maison, plus de rock que d’opéras d’ailleurs. J’aime beaucoup les vinyles, je trouve qu’ils offrent un autre rapport à la musique et à l’écoute. Il faut se concentrer, changer de faces, le manier avec précaution et les pochettes sont souvent magnifiques. Nous avons commencé par en acheter sur les braderies puis, au fil du temps, nous avons acheté plus de vinyles neufs que de CD. Malgré l’abonnement à une plateforme de téléchargement, nous tenons à en acheter très régulièrement. C’est un bel objet qui fait partie de notre vie quotidienne.