Retour au listing

Le blog maPlatine.com

Interview de l’artiste Molécule, programmé lors du Festival Maintenant 2019

Molécule - Crédit Keffer

Dans le cadre du Festival Maintenant 2019, l’artiste Molécule présentera son spectacle « Pandora Live » le 11 Octobre prochain à Rennes. maPlatine.com a eu la chance de pouvoir s’entretenir avec lui pour lui poser quelques questions sur son parcours et ses projets.

 

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre histoire, votre parcours ?

Au début des années 2000, j’étais étudiant en sociologie. C’est à cette période que j’ai fait le choix de vivre ma vie par la musique, les voyages, les rencontres. Peut-être pour être un peu en marge d’une société et d’un mode de vie qui ne me convenaient pas forcément.

Je suis maintenant producteur de musique électronique depuis une bonne dizaine d’années. J’ai plusieurs albums à mon compteur et j’ai notamment développé un processus créatif singulier qui consiste à partir dans des endroits où la nature est dominante. Je pars avec mes micros et tous mes instruments pour recréer un studio sur place.

 

 

Que représente pour vous la musique ?

La musique c’est un moyen d’exprimer ses émotions, de partager des choses intimes sans mettre des mots dessus. C’est une manière pour moi de communiquer.

 

 

Qu’est-ce qui fait la singularité de vos projets artistiques ?

Je suis par exemple parti en 2013, pas très loin de Rennes, à St Malo, avec le doux rêve de mettre en musique la tempête. Je suis resté 5 semaines à bord d’un chalutier, et c’est cette expérience qui a donné lieu à l’album « 60°43’ Nord ». Puis il y a deux ans, je suis parti au Groenland pour réaliser un projet autour du silence. J’ai recrée un tout petit studio dans un village de chasseur de là-bas. J’ai sorti l’album il y a un an et demi, « -22,7° », toujours avec ce mélange d’enregistrements sonores réels et d’instruments. J’ai le souhait de créer une musique qui transpire ces aventures, puisque je ne rajoute aucune note une fois revenu. C’est une sorte de témoignage brut, de récit sonore de ces moments.

 

Molécule - Crédit Alexandre Gosselet

Cela reste des expéditions de création assez solitaires, mais je ne suis jamais totalement seul. Je suis très attaché à la dimension visuel donc je pars à chaque fois avec Vincent, un cameraman qui permet de prendre plein d’images, bien souvent pour faire ensuite un documentaire, ou bien du contenu pour créer des clips ou accompagner des performances lives avec des vidéos.

Le début de ma carrière musicale a été standard, avec des concerts, des premiers enregistrements. Mais j’ai toujours eu ce rêve en moi, de partir derrière cette ligne d’horizon que je pouvais apercevoir depuis les plages cancalaises. Cette envie d’aller naviguer, de créer la musique. Au bout de quelques années de carrière, j’ai eu la force et la confiance suffisante pour mettre en place ce projet, j’ai aussi eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont permis de le mettre en place. Cette première aventure maritime m’a ensuite servi de référence pour parler de mon travail, d’être sollicité par des institutions pour réaliser des projets. Ça se fait donc un peu par ricochet, petit à petit. Toujours avec des convictions et des envies personnelles. Là je reviens du Portugal, où j’ai travaillé sur la grosse vague du monde à Nazaré.

 

 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans ces aventures ?

Il n’y a pas vraiment eu d’éléments déclencheurs particuliers. C’est surtout des convictions. Au premier abord, les gens sont intrigués, ils ne comprennent pas trop la démarche. Et puis au fil du projet, il y a quelque chose qui devient évident pour moi, de la cohérence, de l’intérêt, de la pertinence de mener à bien ce projet. Et qui finit par convaincre des maisons de disques, des partenaires, à trouver des financements, à avoir les autorisations.

On peut dire que j’ai ça en moi. A un moment donné, j’ai juste été convaincu que ma vie devait se dessiner ainsi et prendre ce chemin. Quand j’ai commencé, je n’avais pas encore les compétences nécessaires pour en vivre. Je suis complétement autodidacte donc au début je faisais des petits boulots à côté, et la carrière s’est mise en place petit à petit. C’est un processus qui est long, mais beau.

 

 

Comment décrieriez-vous votre univers ?

Il y a avant tout une démarche humaine, une volonté personnelle de vivre ces conditions, qui sont quand même parfois extrêmes : vivre la tempête en plein Atlantique et en plein hiver, vivre l’hiver polaire au Groenland. Tout ça, ce sont d’abord des choses que j’ai envie de vivre en tant qu’homme.

Et puis il se trouve que je suis musicien, et la musique c’est aussi pour moi le moyen de vivre ! En fait, je ne sais pas si je me sentirais capable de me retrouver dans de telles conditions sans la musique. Pour moi, le son, les sonorités et l’écoute sont des choses fondamentales. La musique qui résulte de tout ça, c’est finalement quelque chose d’assez intime et personnelle. Qui parfois rentre en résonance avec le public. C’est assez important de la partager, de la jouer en concert, c’est le moment où l’on emmagasine de la force et de l’énergie pour ensuite mieux repartir. J’aime évoluer dans des périodes très solitaires puis des moments très entourés. C’est un équilibre qui me convient bien.

 

Molécule - Fjord- Sermilik - Credit Vincent Bonnemazou

Je dirais donc que mon univers reste très personnel, mais avec une ouverture la plus importante possible pour ne pas rester cantonné à un style, à une étiquette. Même si, bien sûr, j’ai mes sensibilités, mes affinités avec tel ou tel type de sonorité. J’essaye quand même de partir avec des pages blanches, de ne pas du tout devancer l’inspiration que je vais avoir sur place. Et une fois sur place, je laisse les écoutilles les plus ouvertes possibles. C’est presque une manière de chercher à se fondre dans les éléments et dans la nature, et de s’y perdre. Plus j’avance, et plus finalement j’essaye de moins maitriser les choses, de me laisser porter par celles qui me touchent.

 

 

Pouvez-vous nous expliquer comment se déroule la création d’un album ?

Comme je le disais précédemment, je pars d’une page blanche pour créer. Mais il y a quand même une idée de départ, le choix de la destination et du contexte. Ça c’est bien sûr un élément important ! Puis après il faut le mettre en place, et, une fois qu’on arrive à passer toutes ces étapes, et bien on sort ses micros, on écoute pendant plusieurs jours, voire semaines. Ces enregistrements, on va petit à petit les disséquer, les éditer, les transformer. Ces enregistrements appellent des notes de musique et les morceaux commencent à finalement prendre forme. On les finalise avant de plier bagages. Il y a quelque chose d’assez naturel dans ce processus créatif, on laisse venir les choses, on ne force rien !

Quand j’arrive sur un nouveau projet, je n’ai vraiment aucune idée de la musique que je vais composer. Je pense que j’ai désormais suffisamment d’expériences et de confiance en moi pour me dire que je vais me retrouver dans des conditions assez étonnantes, différentes, qui vont me bousculer mais finalement m’inspirer des choses fortes.

Une fois de retour, je fais écouter ce qui a été fait à la maison de disques, on réfléchit à des contenus vidéos, on collabore avec des vidéastes, des réalisateurs. Sur le projet « -22,7° », on a par exemple créé une expérience en réalité virtuelle.

 

Molécule en studio - Credit Alexandre Gosselet

Pour résumé,  je reviens de ces expéditions avec un album de musique et des images, et avec tout cela nous créons des contenus, des dynamiques. A chaque fois, j’écris aussi une sorte de livre qui est le récit de ces aventures. Finalement, ce sont des projets globaux. J’essaye d’aborder un peu toutes les différences facettes de ces aventures avec différents médiums, que ce soit la photo, l’écriture, les clips et évidemment les albums. Mais la colonne vertébrale de tout ça, c’est la démarche de musicien.

 

 

Pouvez-vous nous parler de Pandora Live, le spectacle son et lumière que vous présenterez lors du Festival Maintenant ?

C’est une forme de déclinaison du travail qui a été fait au Groenland. J’utilise des enregistrements bruts faits sur place, et j’improvise par-dessus avec une partie des instruments que j’avais avec moi là-bas.

Dans Pandora, les spectateurs sont allongés par terre, sous des lampes thérapeutiques qui libèrent des flashs lumineux. Il y a un effet un peu de transe qui s’installe, et des visions qui apparaissent. C’est quelque chose d’assez puissant et qui, pour moi, témoigne de certains états dans lesquels je me suis retrouvé, sous les aurores boréales par exemple, ou encore sur la banquise à écouter le silence. Le spectateur peut ainsi revivre certains états de conscience que j’ai pu vivre.

 

 

– Vous proposez vos disques en support vinyle. Ecoutez-vous vous-même des vinyles ? Si oui, quel est le modèle de votre platine vinyle ?

Oui tout à fait, je suis très attaché au fait que mes albums existent sous forme de vinyles. Je suis très attaché à l’objet. J’apporte même un soin très particulier dans sa création, le choix des matériaux. Pour moi, le vinyle est un véritable objet qui doit transpirer aussi la musique qu’il comporte. Quand je suis en déplacement, j’écoute en streaming avec mon smartphone, mais dès que je rentre à la maison, c’est vinyle ! Je suis très attaché au visuel donc c’est vrai que le vinyle est un support qui permet également de mettre en avant les artworks.

Ce que j’aime avec le support vinyle, c’est que chaque vinyle a son âme, c’est un objet qui vit, contrairement au streaming ou aux CD. J’aime cette idée que la musique a été gravée à une période  et qu’elle vit, avec parfois des petites imperfections.

J’ai donc bien évidemment une platine vinyle, qui est une Marantz, et je dois avoir à peu près 200 disques vinyles. Je suis très rock, très Pink Floyd, avec un bel exemplaire de Dark Side of the Moon par exemple, ou encore Meddle. Ce sont des albums cultes pour moi !

 

 

Nous avions chroniqué vos albums « -22,7°C » et « 60° 43’ Nord » dans nos disques vinyles du mois en 2018 et 2016. A votre tour, quels seraient vos deux albums du moment ?

Outre l’album Dark Side of the Moon, que j’écoute de manière récurrente, j’aime beaucoup le dernier album de Petit Fantôme qui a d’ailleurs sorti un très beau vinyle. Un des disques que j’ai également beaucoup écouté ces derniers temps, c’est le dernier album de David Bowie, Blackstar, qui est aussi un très bel objet.

 

David Bowie - Blackstar

 

Merci à vous pour cette interview. Un dernier mot pour nos lecteurs ? 🙂

J’ai hâte d’être à Rennes ! Ça va être une expérience étonnante.