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Interview de Pascal, directeur du CALIF, organisateur du Disquaire Day 2019

Pascal Bussy, directeur du CALIF

Qui dit mois d’Avril, dit Disquaire Day ! Dans quelques jours maintenant, le samedi 13 Avril 2019, se tiendra la neuvième édition de ce rendez-vous musical incontournable. A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir interviewer Pascal, le directeur du CALIF (Club Action des Labels et des Disquaires Indépendants Français), l’association qui s’occupe de l’organisation du Disquaire Day.

 

 

– Pour commencer, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce qu’est le CALIF ?

Le CALIF a été créé en 2002 à l’instigation d’un groupement de labels indépendants. C’était au moment où la crise du disque venait d’apparaître en France de façon particulièrement violente, après avoir frappé tous les autres grands marchés, et plusieurs producteurs indépendants s’étaient réunis pour tenter de trouver un remède à une situation qui devenait de plus en plus dure. Ils ont eu l’idée de mettre en place un système d’aides pour les disquaires indépendants, un moyen plutôt malin d’aider les labels indépendants puisque bien sûr ce sont les disquaires qui vendent les disques des labels ; ils ont été frapper à la porte du ministère de la Culture et ils ont été entendus. Depuis sa création, le CALIF a aidé 120 nouveaux disquaires à s’installer, et une bonne vingtaine d’autres à perdurer.

 

Disquaire Walrus Paris - Disquaire Day

 

– Vous avez donc pris la direction du CALIF il y a un an maintenant. Quel a été votre parcours au sein de l’association ?

J’étais très proche de David Godevais, l’un des fondateurs du CALIF et qui en a été le directeur pendant longtemps, et j’ai été trésorier de la structure pendant plusieurs années. Lorsque j’ai quitté harmonia mundi, une très belle maison de disques indépendante pour laquelle j’ai travaillé plus de dix ans, le CALIF cherchait un nouveau directeur et j’ai trouvé assez logique de proposer ma candidature…

 

 

– Avez-vous toujours voulu travailler dans le monde de la musique ?

Je ne sais pas si je l’ai voulu mais en tout cas cela s’est fait de façon très naturelle, et je réalise que j’ai eu beaucoup de chance. J’ai été journaliste spécialisé dans la culture et la musique pendant 25 ans, j’ai écrit plusieurs livres, notamment un sur Charles Trenet et un autre sur Kraftwerk, et puis j’ai travaillé dans des maisons de disques à l’identité très forte : Island, le groupe Warner, harmonia mundi, des expériences passionnantes puisque j’ai pu lancer des projets, signer des catalogues, découvrir des artistes. J’ai eu une chance énorme et j’en suis conscient.

 

 

– C’est donc le CALIF qui organise chaque année le Disquaire Day. Quelques mots sur cet événement annuel devenu incontournable ?

Le Disquaire Day est la déclinaison hexagonale du Record Store Day, une manifestation qui est née aux Etats-Unis en 2008. L’idée de base est vraiment de mettre en lumière les magasins de disques indépendants qui sont de plus en plus malmenés entre le e-commerce et les grandes chaînes de distribution anonymes qui cassent les prix et sont vraiment l’antithèse de la boutique de disques indépendante avec un vendeur qui est là, qui conseille, qui fait partager ses coups de cœur. Bref, qui est un ambassadeur de culture !

 

 

– Quel est le but recherché à travers cette journée dédiée aux labels et disquaires indépendants ?

Il s’agit clairement de mettre les magasins de disques indépendants en avant, de rappeler leur rôle et leur importance. Le Disquaire Day a lieu chaque année un samedi du mois d’avril, et les magasins indépendants proposent des éditions limitées, principalement des disques vinyles, que les maisons de disques, les labels indépendants comme les majors, éditent pour l’occasion. Et je rappelle que c’est un événement international qui a lieu aux Etats-Unis, au Canada, au Japon, en Australie, et dans pas mal de pays européens.

 

 

– Quels sont les événements prévus pour le Disquaire Day 2019 ?

Au-delà de tous les moments forts dans les magasins indépendants qui proposent des showcases et des signatures, il y a une multitude de concerts qui méritent d’être signalés comme par exemple une carte blanche à Etienne Daho au Metronum à Toulouse, un DJ set de Dee Nasty qui est l’un des pionniers de la culture hip hop en France à Paris place Sainte-Marthe. Pour info, tous ces événements seront listés sur le site du Disquaire Day, disquaireday.fr. Nous avons toujours pensé que la musique enregistrée et le disque sont bien sûr inséparables de la musique « live ».

 

Disquaire Day - Mes Mauvaises Frequentations Toulouse

Et puis, je voudrais signaler plusieurs partenariats un peu différents que nous montons cette année : un avec les éditions Rivages Rouge à l’occasion de la parution d’un petit livre très vivant et amusant qui s’appelle « L’art de ranger ses disques », un autre avec la RATP qui va déboucher sur l’édition d’un plan du métro parisien où apparaîtront tous les disquaires indépendants de la capitale, un autre encore avec un microbrasseur pour une cuvée spéciale Disquaire Day…

 

 

– Comment a évolué le Disquaire Day depuis sa création ? (participations, notoriété…)

Clairement, nous sommes passés d’un événement très « indé » à quelque chose qui est devenu une date de référence pour toute la filière, et tout le monde en profite, des majors aux plus petits labels, sans oublier bien sûr les magasins qui font souvent leur plus gros chiffre d’affaires de l’année ce jour-là. Le Disquaire Day est vraiment devenu une marque. Et il y a trois choses importantes à signaler.

D’abord, il y a toujours eu un parrain international de l’événement, en général un musicien ou un groupe américain, cette année c’est le groupe Pearl Jam. Mais nous avons aussi pour la première fois un parrain spécifique pour la France, Arnaud Rebotini qui est d’ailleurs un ancien disquaire et qui est très présent dans le paysage des nouvelles musiques électroniques. C’est lui qui a gagné le César de la meilleure musique de film l’année dernière pour « 120 battements par minutes », et en plus il sort deux albums pour le Disquaire Day : une réédition de son premier disque paru en 2000 sous le nom de Zend Avesta, « Organique », et une musique pour un ballet contemporain, « Fix Me ». Et je trouve magnifique d’avoir pour parrainer ce Disquaire Day d’un côté Pearl Jam qui symbolise l’intégrité du rock historique américain, engagé, proche de Neil Young, tout ça…, et de l’autre Arnaud Rebotini qui incarne toute une génération de musiciens français particulièrement ouverte, qui ont tout écouté, et qui prouvent que toutes les musiques d’aujourd’hui forment une culture où tout se rejoint, du blues à l’électro en passant par la black music, le jazz et la pop. C’est ça aussi, le Disquaire Day.

Et puis, au-delà des événements organisés ou relayés par le CALIF dont je parlais plus haut, il y a aussi le fait que depuis plusieurs années le Disquaire Day rayonne même au-delà de l’hexagone puisque le CALIF travaille à cette occasion avec des magasins indépendants de trois pays limitrophes, la Suisse, la Belgique et le Luxembourg.

 

Disquaire Sofa Records Lyon - Disquaire Day

Cependant, et là je ne veux vraiment pas faire l’autruche, des dérives sont apparues car le marché du disque a toujours été sauvage et avec beaucoup de concurrence, déloyale parfois. Et aujourd’hui il y a des sites de e-commerce et des chaînes de la grande distribution qui proposent des sélections estampillées Disquaire Day alors qu’ils n’en ont tout simplement pas le droit car le Record Store Day et le Disquaire Day sont des marques qui appartiennent au CALIF. Quant à la sélection des disques du Disquaire Day, elle pourrait être vraiment améliorée si tous les labels jouaient le jeu de l’objet vraiment rare et intéressant au lieu de privilégier le profit facile avec par exemple des rééditions de 33 tours pressés sur des vinyles de couleur qui ont trop souvent un intérêt tout de même assez limité. Nous avons un gros travail à faire de ce côté-là mais il ne pourra se faire que si tout le monde y participe, les gros labels comme les petits. Pour ces derniers, nous réfléchissons d’ailleurs à des moyens de les aider.

 

 

– On observe depuis plusieurs années maintenant une hausse des ventes de vinyles. Comment percevez-vous ce retour en force ? Effet de mode ou durable ?

Alors là, c’est la question la plus complexe que vous me posez. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui les deux segments de l’industrie musicale qui progressent, ce sont le vinyle et le streaming, alors que le CD est en baisse. Et le vinyle, dont le retour était un phénomène de mode il y a quelques années, est vraiment redevenu pour beaucoup le support de référence, quelque chose qu’absolument personne n’aurait pu prévoir il y a dix ans. De la même manière, on ne peut pas prévoir si cela va durer, surtout avec la même courbe exponentielle. Si je risquais une hypothèse, je dirais que le vinyle et le CD vont devenir deux gros marchés de niche qui vont évoluer de manière parallèle et peut-être même complémentaire ; déjà, de nombreux labels proposent des éditions de vinyles qui contiennent aussi un CD.

 

 

– Cette année sera la neuvième édition du Disquaire Day, qui fêtera donc ses 10 ans l’année prochaine ! Déjà des éléments à nous partager pour fêter cet anniversaire ?

Nous voulons évidemment profiter de ces dix bougies pour construire un événement encore plus fort. Nous sommes en ce moment en train de chercher un parrain ou une marraine qui accepte de nous accompagner, et pour la promotion et le marketing les discussions ont commencé avec des partenaires potentiels. Je ne peux pas en dire beaucoup plus aujourd’hui.

 

 

– Etes-vous vous-même adepte de vinyles ? Si oui, sur quel modèle de platines vinyles écoutez-vous vos disques ?

Avant de répondre à votre question, je me permets un petit préambule. On pourrait réunir une table ronde avec cinquante spécialistes qui discuteraient pendant trois mois des mérites respectifs du vinyle, du CD et de la musique dématérialisée. Eh bien, on ne mettrait personne d’accord et en plus tout le monde aurait raison tellement le sujet est complexe et rempli de préjugés, de pièges et de chausse-trapes… Cela dit, moi j’écoute tous les supports, et même encore des cassettes. Et pour mes vinyles j’ai récemment fait réparer et moderniser une platine vinyle Rega qui n’est plus toute jeune mais qui me convient parfaitement. En plus, elle est belle à regarder quand elle tourne avec son plateau « tripode » très élégant…

 

Disques vinyles de Pascal Bussy

 

– Merci Pascal 🙂