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Interview avec Célia Kameni, coup de cœur festival – Festival Jazz à L’Etage 2023

Célia Kameni pour Jazz à L'Étage

Jazz à L’Etage, festival breton de Jazz, revient à Rennes et St Malo pour une 12e édition du 2 au 12 mars 2023 qui sera dédiée aux artistes créateurs de toutes générations et horizons géographiques. Au programme, concerts et rencontres portés par la passion du Jazz et ouverts à tous. John Scofield, Tigran Hamasyan, Célia Kameni, Sary et Ayad Khalife, Fabrizio Rat, autant d’artistes hors-champs qui vont succéder sur scène dans les différents lieux culturels de Rennes Métropole et St Malo.

À cette occasion, nous avons eu la chance d’interviewer Célia Kameni, jeune chanteuse de Jazz, à qui le festival laisse Carte blanche. Considérée comme la révélation de cette édition, elle est accompagnée d’une formation composée de deux violoncellistes-chanteuses, une contrebasse, un piano-basse et une lame sonore. Célia Kameni et son groupe nous proposera un concert totalement inédit le samedi 11 mars à Rennes.

John Scofield à l’affiche cette année :

Affiche du festival Jazz à l'Étage 2023

Est-ce que vous pouvez vous présenter, parler un peu de vous ? Quel est votre parcours ?

Je suis Célia Kameni, je suis une artiste, chanteuse, autrice, compositrice, interprète. Jusqu’à présent j’ai été dans beaucoup de groupes et formations, je me suis nourrie d’énormément d’influences, de rencontres… Et là je suis à la veille de mes premiers projets personnels. D’ailleurs, ce concert sera un peu le premier pour moi, il est très spécial. J’ai vraiment hâte que ça existe, ça sera vraiment la porte d’entrée vers mon expression personnelle auprès du public.

J’ai commencé par faire de la musique classique enfant, au Conservatoire. J’ai par la suite poursuivi dans des études musicales. Par ailleurs, ayant un père musicien j’ai beaucoup été au contact de la musique dès mon plus jeune âge. Ça a été hyper enrichissant, il y a aussi des gens très mélomanes dans ma famille, j’ai vraiment été bercée par la musique depuis toujours.

Et en ce qui concerne mon parcours, j’ai commencé à étudier le Jazz à 19 ans. Je ne me destinais pas du tout à être chanteuse au départ, mais j’avais énormément envie de continuer à avoir ce lien là avec la musique. Et le moyen que j’ai trouvé, c’était de me réinscrire au Conservatoire, mais cette fois-ci en Jazz, pour essayer de faire une musique un peu plus « libre » que la musique classique. Et finalement, ça a pris complétement le dessus sur ce que je comptais faire de ma vie avant – je m’étais destinée à faire des études de droit et être juriste, et finalement je suis devenue chanteuse.

Après j’ai très vite fait beaucoup de connexions dans ce milieu. J’ai joué avec Amazing Keystone Big Band très rapidement, j’avais à peu près 19 ou 20 ans. Cela a été un de mes premiers groupes, et ça a été important pour moi. C’était un groupe qui proposait déjà de supers beaux concerts. Mon premier concert a été à Jazz à Viennes, c’était assez incroyable de faire ce premier concert directement, dans un festival de cette importance. En plus, avant de les rejoindre, ils avaient fait quelques concerts avec Cécile McLorin Salvant, une chanteuse de Jazz que j’admire énormément. Ça a vraiment été un tapis rouge que de commencer sur ses traces, et ça m’a donné une ouverture sur la manière d’interpréter la musique.

Tout est allé assez vite, c’est mon métier depuis que j’ai 21 ans, ça fait donc 10 ans maintenant, et cela m’a permis de faire des choses très différentes. Ma manière de faire ce métier a vraiment été de tester, et être capable d’ouvrir mes oreilles et ma musicalité un maximum. Je suis passée d’un groupe de Jazz pur à des groupes de Jazz Manouche, de Ska, de Reggae, de Hip Hop, de Soul, de chanson, de musique cubaine, de Funk, je suis passée par un maximum de choses. Et maintenant, j’ai l’envie, le besoin de me recentrer sur ce que moi j’ai à dire personnellement, et ma manière d’exprimer la musique. Je suis en construction de tout cela.

Comment définiriez-vous votre univers et quelles sont vos inspirations aujourd’hui ?

Après avoir vu toutes ces influences, j’ai compris avec le temps que ce que j’avais envie d’exprimer. Au-delà de jouer un style en particulier, c’est avant tout un moyen de partager ma sensibilité, mes fragilités, mes vibrations. Et c’est ça que j’aime le plus quand je joue avec des artistes, ou quand j’écoute de la musique, c’est de ressentir cela.

Je citerai par exemple Björk, qui a été une grande inspiration pour moi, bien que cela soit arrivé sur le tard. Je pense que c’est une artiste qui, en plus d’être un « OVNI musical », a vraiment une sensibilité incroyable. Nina Simone c’est pareil. C’est quelqu’un que j’ai découvert plus tard, parce que je pense que c’est en affirmant ce que j’ai envie d’exprimer, que je me suis tournée vers ces chanteuses-là. Nina Simone pour moi c’est une chanteuse qui parle, elle n’est pas là pour chanter bien ou juste, elle est là pour nous dire des choses et nous toucher en plein cœur.

Dans la musique classique, je dirais Oliver Messiaen. C’est un compositeur que je trouve aussi ultra-sensible avec une profondeur, une spiritualité et aussi un côté « OVNI », qui me touche beaucoup. Dans les chanteuses françaises, il y a par exemple Barbara. C’est une artiste qui me touche beaucoup pour les mêmes raisons. Elle c’est l’aspect mélodique, l’espèce de virtuosité mélodique et des mots à la fois.

Célia Kameniphoto de Lucille Mouret 

Célia Kameni

Est-ce que vous pouvez vous en dire un peu plus quant à votre venue au festival Jazz à l’Etage ? À quoi doivent s’attendre les spectateurs ?

Il ne faut pas s’attendre spécialement à un style particulier. Il y a énormément de choses que j’aime faire, que je mets dans cette musique. C’est du Jazz, non pas pour la forme, mais pour le fond, pour l’improvisation, pour l’ouverture, pour l’âme. Dedans il y a énormément de Soul, ou de Folk, et de la chanson française, du classique, c’est un peu un mélange de tout cela. J’ai voulu aller au bout de mes envies les plus « bizarres ».

Je me suis lancée dans une formation un peu spéciale : il y aura une contrebasse et un clavier basse, ainsi que deux violoncellistes, qui sont aussi chanteuses. Et il y aura également un artiste qui joue de la lame sonore. C’est un instrument qu’on rencontre assez rarement, qui est plutôt attaché à des vieilles musiques, de vieux films. Mais justement, j’aime la poésie de cet instrument, l’univers qu’il suggère. En plus, ce qui est intéressant c’est qu’il s’agit d’un instrument acoustique, mais qui comme une guitare ou une contrebasse, a la possibilité d’être amplifié, et dont le son peut être modifié par des effets. Ça créé une dimension un peu spatiale.

Cela sera de la découverte je pense, pour les gens et pour moi aussi. De toutes façons, c’est comme ça que je vis la musique, j’aime me laisser surprendre sur scène, même avec les groupes avec lesquels je joue depuis longtemps. En fait, je prends du plaisir quand je ne sais pas à quoi m’attendre et qu’il se passe des choses qu’on ne maitrise pas.

Vous êtes le coup de cœur de cette année, comment vous le ressentez-vous ?

Je suis hyper reconnaissante ! Déjà vis-à-vis de Yann Martin, le programmateur du festival, qui m’a contactée. Il me connait maintenant depuis quelques années, parce que j’étais déjà venue avec un premier groupe à St Malo en 2018, puis une seconde fois en 2020, toujours à St Malo mais avec un second groupe, et aujourd’hui à Rennes, avec mon groupe. En fait, c’est un peu la première personne qui me donne cette chance là, et me programme dans un festival qui a une aura importante. Il me laisse complètement libre sur ce que je veux présenter, et cette confiance me touche beaucoup. Je n’ai pas encore d’album, je vais l’enregistrer dans l’année. Finalement, je ne lui ai fait écouter qu’une chanson, c’est vraiment une confiance très précieuse.

Vous avez déjà participé à St Malo en 2020 et 2018, qu’est-ce que vous pensez du public breton ? qu’est-ce qui vous plait dans Jazz à l’Etage ?

Yann Martin, fait des choix assez éclectiques. Déjà, il laisse la chance à des musiciens nouveaux, comme moi, d’exprimer des choses ; et il laisse aussi la chance à des musiciens de sortir des rails du Jazz « habituel ». Et cela me correspond totalement : je suis identifiée comme chanteuse de Jazz, et j’aimerai pouvoir élargir ça. Je suis très heureuse de démarrer avec ça.

Et pour le public breton, je suis souvent venue jouer en Bretagne, c’est toujours super. En plus j’adore cette région, j’y viens souvent en vacances. Pour moi c’est un peu une région de cœur.

Quels sont vos artistes/albums favoris ? Vos coups de cœur du moment ?

Il y a des albums qui, en ce moment, me touchent particulièrement. Tout d’abord il y a une chanteuse qui s’appelle Kelsey Lu, avec son album Blood. J’aime beaucoup le mariage de la voix et du violoncelle, et elle en est un exemple.

Ensuite, Moses Sumney, c’est mon artiste préféré, avec son album Aromanticism. Lui m’a mis une grosse gifle : il n’y a pas de barrière dans les styles, on fait ce que l’on veut. Pour moi, c’est un peu un mélange de David Bowie, de Prince et de Björk en même temps.

Il y a aussi l’album Vulture Prince, de la chanteuse Arooj Aftab, qui est d’origine pakistanaise. C’est un exemple pour moi, parce qu’elle a su briser les barrières de style. Elle fait une musique qui est à la fois Pop, Jazz et musiques traditionnelles pakistanaises. Je trouve ce mélange hyper frais, pour quelque chose qui sonne traditionnel. Je l’écoute beaucoup en ce moment, pour elle aussi l’aspect Jazz c’est l’aspect d’improvisation plus que vraiment de style.

Enfin, je peux citer l’album Book of travelers, de Gabriel Kahane, qui est presque entièrement en piano-voix. Mais ce que j’adore, c’est qu’on a l’impression d’entendre un orchestre. C’est orchestral et minimal en même temps.

Célia Kameni photo de Lucille Mouret 

Célia Kameni

Quelle est votre relation avec le vinyle ? Vous possédez du matériel chez vous ?

Malheureusement, j’ai deux platines vinyle qui ne fonctionnent pas chez moi.

En revanche, il y a deux ans maintenant, j’ai sorti un single qui a été commercialisé exclusivement en vinyle et en streaming. Le choix est dû au fait que les personnes avec qui j’ai fait cette musique sont très implantées dans le milieu DJ, electro et tout cela. Le single pour le nom de Marechia, c’est du napolitain, et le groupe se nomme Nu Genea. La chanson est en napolitain et en français, ce qui est assez spécial. C’est un single qui a beaucoup marché dans les clubs. C’est mon entrée dans le monde clubbing, bien que les influences soient plutôt disco/rétro.

Merci pour cet échange, un dernier mot pour la fin ?

Ce que je dirai aux gens qui font de la musique, ou même peu importe : de laisser s’exprimer l’OVNI qui est en vous. C’est ce que j’essaie de faire, ce n’est pas toujours facile à exprimer mais il faut.

Un grand merci à Célia Kameni de nous avoir accordé cet échange, et merci au Festival Jazz à l’Étage d’avoir rendu cela possible. Pour voir Célia en live, rendez-vous le samedi 11 mars à 20h30, à la salle L’Étage à Rennes. Et pour découvrir plus en détail la programmation du festival, rendez-vous sur leur site internet.

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